Le modèle Big Five : comment appréhender la personnalité ?

Le modèle Big Five : comment appréhender la personnalité ?

Les tests de personnalité sont aujourd’hui omniprésents. Utilisés pour déterminer son orientation professionnelle ou lors des processus de recrutement, les tests de personnalité sont devenus incontournables. Mais pourquoi s’intéresser autant à la personnalité ?
La personnalité d’un individu influence ses perceptions, ses motivations, ses émotions et ses actions de telle sorte que des individus de personnalités différentes vivent et perçoivent le monde différemment.  Cet intérêt pour la personnalité n’est pas nouveau. De nombreux modèles ont été établis, débouchant sur le Big Five, aujourd’hui majoritairement utilisé. 

Des modélisations pour appréhender la personnalité …

Isabel Myers et Katharine Cook Briggs ont développé le Myers-Briggs Type Indicator (MBTI) basé sur les travaux de Carl Jung. Ce modèle permet de déterminer la fonction dominante et auxiliaire d’un individu en suivant les types psychologiques de Jung. Ce test suit 4 axes pour déterminer les préférences de l’individu : 

  • L’orientation de l’énergie entre extraversion (E) et introversion (I) 
  • La manière privilégiée de recueillir de l’information entre sensation (S) et intuition (I)
  • Le traitement privilégié pour la prise de décision entre pensée (T pour thinking) et sentiment (F pour feeling)
  • Et le mode d’action entre jugement (J) et perception (P). 

16 types de personnalités peuvent être attribués à partir des deux préférences possibles pour chacune des dimensions précédentes (Myers 2016). 

Un deuxième modèle de la personnalité a été établi par Eysenck. Dans son modèle il prenait en compte deux dimensions : l’extraversion (ou l’introversion) et le neuroticisme (ou la stabilité émotionnelle). Plus tard, après avoir étudié des individus souffrant de maladie mentale, l’auteur a ajouté une dimension à son modèle, appelée psychoticisme (Eysenck et Eysenck, s. d.).

Par la suite, le professeur Raymond Cattell a introduit un modèle de la personnalité à 16 facteurs, ainsi que le questionnaire adéquat, le Sixteen Personality Facto Questionnaires (16PF). Ces seize facteurs sont composés, entre autres, de l’affectivité, la capacité intellectuelle, la capacité d’adaptation, l’impulsivité, le degré d’autonomie, la conformité groupale ou encore la sensibilité. 

Le modèle Big Five

Le quatrième modèle de la personnalité, celui qui nous intéresse le plus ici, est celui du Big Five de Costa et McCrae (1992). Ce modèle est issu d’analyses lexicales des termes utilisés pour se décrire ou pour décrire autrui (Costa et McCrae, 1992; Pervin et John, 1999). 

Il s’agit d’un système taxonomique hiérarchique initialement à deux niveaux permettant d’ordonner un nombre indéfini de traits fins de la personnalité, appelés facettes, sous cinq traits plus larges, appelés domaines, que sont : l’ouverture à l’expérience (O), la conscienciosité (C), l’extraversion (E), l’agréabilité (A), et neuroticisme (N). Ce modèle, qui s’est avéré très robuste au fil du temps, fournit un langage commun utilisé dans la recherche sur la personnalité plutôt qu’un modèle complet de la personnalité. Il constitue un cadre de référence qui met en évidence les facteurs universels les plus communs de la personnalité (Costa et McCrae, 1992). En effet, il a été démontré que les traits de personnalité présents dans le modèle du Big Five existent à travers les ethnies, les cultures (McCrae et Costa, 1997), les âges (Digman, 1990), et peuvent avoir des composantes biologiques et génétiques importantes (Jang et al., 2002; McCrae et Costa, s. d.). Dans le modèle du Big Five, chaque individu possède chacun des cinq grands traits larges de la personnalité – ou domaines-, mais à des degrés plus ou moins élevés.

Ces cinq domaines sont définis comme suit :

  • L’ouverture à l’expérience (O) est caractérisée par une forte imagination, la présence de beaucoup de sentiments et d’idées. Les individus qui obtiennent un score élevé sur ce trait ont tendance à être curieux et ont un large éventail de centres d’intérêt.
  • La conscienciosité (C) est caractérisée par la compétence, l’autodiscipline, la réflexion, la recherche de réussite et la mise en place de comportements dirigés vers l’atteinte d’objectifs. Les individus qui obtiennent un score élevé sur ce trait sont assidus et fiables. Plusieurs études ont mis en avant une corrélation positive entre le caractère consciencieux des individus et leur réussite scolaire (Conrad et Patry, 2012; Noftle et Robins, 2007; Wagerman et Funder, 2007).
  • L’extraversion (E) est caractérisée par la sociabilité, l’assertivité, la recherche d’excitation et l’expression émotionnelle. Les individus qui obtiennent un score élevé sur ce trait sont généralement décrits comme avenants et chaleureux. Les individus qui obtiennent des scores élevés à la fois dans le domaine extraversion (E) et ouverture à l’expérience (O) sont plus susceptibles de participer à des sports d’aventure ou à risques en raison de leurs natures curieuses et de la recherche d’excitation qui les caractérisent (Tok, 2011).
  • L’agréabilité (A) est la tendance à être agréable, coopératif, digne de confiance et bon enfant. Les individus qui obtiennent de faibles scores en agréabilité ont tendance à être décrits comme impolis et peu coopératifs.
  • Enfin, le neuroticisme (N) – ou névrotisme – est la tendance à être émotionnellement instable et sujet à éprouver des émotions négatives. Les personnes qui obtiennent de hauts scores en neuroticisme ont tendance à éprouver une labilité – ou instabilité – émotionnelle et sont décrites comme colériques, impulsives et hostiles. Watson et Clark (1984) ont constaté que les personnes présentant un niveau élevé de neuroticisme avaient également tendance à se sentir anxieuses et malheureuses. A l’inverse, les personnes qui ont un faible score de neuroticisme ont tendance à être calmes et d’humeurs tempérées.

Les domaines du Big Five représentent chacun un continuum entre deux extrêmes et la plupart des individus ont tendance à se situer quelque part à mi-chemin le long du continuum de chaque facteur, plutôt qu’aux extrémités. Il est important de noter que les domaines du Big Five s’avèrent être relativement stables au cours de la vie, avec une légère tendance à augmenter ou à diminuer pour certains domaines. Par exemple, les chercheurs ont constaté que la conscienciosité (C) augmente du jeune adulte à l’âge mûr. L’agréabilité (A) augmente également avec l’âge, atteignant un pic entre 50 et 70 ans, tandis que le névrosisme (N) et l’extraversion (E) ont tendance à diminuer légèrement avec l’âge (Donnellan et Lucas, 2008).

Références : 
Myers 2016
Eysenck et Eysenck, s. d.
Costa et McCrae, 1992; Pervin et John, 1999
McCrae et Costa, 1997
Digman, 1990
Jang et al., 2002; McCrae et Costa, s. d.
Conrad et Patry, 2012; Noftle et Robins, 2007; Wagerman et Funder, 2007
Tok, 2011
Donnellan et Lucas, 2008

Est-il possible d’échapper aux stéréotypes ?

Est-il possible d’échapper aux stéréotypes ?

Nous sommes tous touchés par la catégorisation et nous en faisons tous. De ce fonctionnement naissent les stéréotypes. Dans cet article nous allons vous présenter comment fonctionne la catégorisation sociale, ses dérives et comment lutter contre elles.

Comment expliquer la catégorisation sociale ? 

C’est un processus automatique qui permet de rendre notre quotidien plus facile. Nous serions face à une perpétuelle réflexion devant chaque élément : la catégorisation ne concerne pas que les individus, c’est un processus qui permet de catégoriser l’ensemble de son environnement (mobilier, outillage, nourriture…). 

La catégorisation sociale selon Moscovici se fait par l’objectivation et par l’ancrage, ce qui signifie que nous allons d’abord observer les contours d’un objet puis y voir les ressemblances et le contraste avec les autres objets. Systématiquement, nous allons effectuer ce processus en quelques millisecondes, afin de gagner du temps et de prendre une décision rapidement. 

Si vous voyez un individu marcher rapidement derrière vous, dans votre direction, le soir habillé tout en noir, vous allez sûrement chercher à changer de trottoir, ou en tout cas à rester vigilant. Cela signifie que vous aurez catégorisé l’individu, car il correspond à plusieurs critères admis dans notre société d’un individu potentiellement dangereux. 

La catégorisation sociale et ses dérives 

Catégorisation, stéréotype et discrimination, quelles différences ?

La catégorisation sociale est le fait d’affilier des objets ou des personnes à un groupe ou à un sous-groupe en émettant peu de jugement critique. 

Le stéréotype est le fait d’assimiler une personne en la catégorisant à un groupe social ayant des caractéristiques déjà définies tout en y attribuant une opinion sans fondement scientifique. Le stéréotype entraîne une attitude envers la personne issue de ce groupe mais sans pour autant émettre un comportement négatif. 

La discrimination est le fait d’émettre un comportement négatif envers une personne appartenant à un groupe social uniquement car elle appartient à ce groupe. 

Imaginez …

Maintenant imaginez que vous êtes invité à une soirée, vous voyez un homme avec un t-shirt issu de la saga de la guerre des étoiles. 
La catégorisation serait de se dire simplement qu’il doit aimer cette saga ou qu’il est peut-être cinéphile. 
Le stéréotype serait de se dire que c’est un geek qui passe son temps à regarder des films. 
La discrimination serait de ne pas lui adresser la parole uniquement car il appartient à ce groupe.

La catégorisation se fait très rapidement malgré nous, en moins d’une seconde. En revanche nous pouvons lutter contre les stéréotypes et contre la discrimination en prenant du recul sur notre jugement, nos attitudes et nos comportements. 

Prendre du recul c’est bien mais comment faire ?

Nous pouvons prendre du recul sur une situation uniquement si nous en avons conscience et cela passe par une posture d’apprentissage ! C’est cette connaissance qui vous permettra de vous questionner sur vous mêmes et vos pratiques et ainsi déconstruire ces nombreux stéréotypes.

Comment s’auto questionner ? Nous sommes en constante analyse sur notre environnement, mais nous ne pouvons pas nous questionner chaque seconde !

Il existe des petites astuces simple comme par exemple se poser la question suivante après chaque interaction 
Aurais-je parlé et pris le même ton si cette personne était autrement ? (homme, femme, homosexuel, hetero, difference ethnique…) 
Si oui, demandez-vous si cela était stigmatisant, sexiste, discriminant ou encore infantilisant. 

Essayez de faire cette petite gymnastique de quelques secondes et vous verrez un grand changement apparaître chez vous et aux yeux des autres ! 

Références : 

Edith Salès-Wuillemin. Catégorisation et représentations sociales : Cours de psychologie sociale. Bromberg, M., Trognon, A. Cours de psychologie sociale, Presses Universitaires de France, pp.7-32, 2007. ffhalshs-00903240f

La psychologie positive : quelle technique choisir ?

La psychologie positive : quelle technique choisir ?

En 2005, Martin Seligman, Tracy Steen, Nansook Park et Christopher Peterson publient une étude comparative dans laquelle ils confrontent différentes techniques de psychologie positive, et ont conclu que certaines étaient plus efficaces que d’autres.

Des techniques testées empiriquement et validées scientifiquement

Pour cette étude comparative, Seligman et ses collègues ont choisi de proposer aux participants quatre exercices de bonheur et un exercice placebo. 

La visite de gratitude est à l’origine de changements positifs jusqu’à un mois après la fin du protocole. Pour l’exercice “Soi au mieux de sa forme”, les effets bénéfiques ne sont présents qu’à la fin de la semaine d’expérimentation. Bien entendu, les effets à long-terme sont fonction du degré auquel chaque individu continue l’exercice qu’on lui a proposé après la phase d’expérimentation.

Description du protocole de recherche

411 personnes ont souhaité participer à cette étude comparative, chaque participant n’étant assigné qu’à un seul groupe :

  • Premier groupe : les participants réalisent une visite de gratitude, ils ont une semaine pour écrire et donner une lettre de gratitude à une personne envers qui ils sont reconnaissants mais qu’ils n’ont pas suffisamment remercié (visite de gratitude)
  • Deuxième groupe : les participants écrivent chaque jour pendant une semaine trois bonnes choses qui se sont déroulées dans leur journée en explicitant les raisons (trois bonnes choses)
  • Troisième groupe : Les participants écrivent chaque jour à propos d’un moment où ils ont été très compétents et quelles forces ils ont mis en œuvre durant ce moment. Cet exercice est à réaliser durant une semaine (soi au mieux de sa forme)
  • Quatrième groupe : les participants doivent évaluer les 5 forces les plus importantes pour eux et ensuite les utiliser une fois par jour pendant une semaine d’une manière inhabituelle (utiliser ses forces d’une autre manière)
  • Cinquième groupe : Le groupe contrôle doit se rappeler des souvenirs d’enfance une fois par jour pendant une semaine (exercice placebo)

Des processus très puissants à l’œuvre

Vous le savez peut-être déjà, le fait de revivre des moments positifs permet de ressentir véritablement les émotions positives engendrées par cet événement. Une étude de Fox, Kaplan, Damasio & Damasio en 2015 a mis en évidence les bases neuroanatomiques de la gratitude. Alors que les participants de cette étude étaient soumis à un IRM fonctionnel, ils étaient amenés à ressentir de la gratitude. Pour cela, on leur a demandé de s’imaginer d’être pendant l’Holocaust, puis on leur raconte une histoire : « Un fermier donne refuge à votre famille lors d’une froide nuit d’hiver. Le jour suivant, les Allemands s’emparent de sa maison, force votre famille à quitter les lieux et brûlent ses terres. », ils doivent alors exprimer dans quelle mesure ils sont reconnaissants envers cette personne. Plusieurs histoires comme celles-ci leurs sont présentées, le but étant d’étudier les corrélats neurobiologiques associés à la gratitude. Les données scientifiques ont révélé des activations dans les régions cérébrales responsables de la cognition morale, de la récompense, de la théorie de l’esprit ainsi que des émotions.

Avez-vous envie de tester ? Rappelez-vous de cet article, et choisissez l’exercice le plus efficace, mais surtout celui qui vous convient le mieux.

Références :
Seligman, M. E., Steen, T. A., Park, N., & Peterson, C. (2005).Positive psychology progress: empirical validation of interventions. American psychologist, 60(5), 410.
Fox, G. R., Kaplan, J., Damasio, H., & Damasio, A. (2015).Neural correlates of gratitude. Frontiers in psychology, 6, 1491.

Une technique de psychologie positive : le comptage des bénédictions

Une technique de psychologie positive : le comptage des bénédictions

Dans un précédent article, vous avez pu découvrir les fondements de la psychologie positive mais aussi une technique efficace pour augmenter son bien-être, la lettre de gratitude, dont les effets ont été mesurés scientifiquement.
Aujourd’hui, je vais vous présenter une seconde technique issue du champ de la psychologie positive: le comptage des bénédictions.

Que signifie le comptage des bénédictions ?

Le comptage des bénédictions renvoie au fait de lister les actes pour lesquels vous pouvez être reconnaissant sur une période donnée. Cette technique s’inscrit, comme la lettre de gratitude, dans une démarche de reconnaissance. Une étude publiée par Emmons et McCullough en 2003 a montré les effets bénéfiques du comptage des bénédictions qui amène chaque individu à percevoir sa vie de façon plus positive, à devenir optimiste. Les individus qui ont pratiqué cette technique ont ressenti plus d’affect positif et ont été plus enclines à aider quelqu’un qui présentait un problème personnel en lui offrant son soutien moral.

Description du protocole de recherche

Cette recherche comportait 3 études différentes. Dans la première, 192 étudiants se sont portés volontaires, 157 dans la seconde et  65 adultes atteints d’une maladie neuromusculaire pour la dernière.

La première étude proposait aux participants de lister cinq faits pour lesquels ils pouvaient être reconnaissants au cours de la semaine précédente, cinq tracas et maximum cinq événements qui avaient eu un impact significatif.

Dans la seconde étude, les participants devaient réitérer la même procédure, mais en écrivant chaque jour jusqu’à cinq événements qui pouvaient générer un sentiment de reconnaissance mais aussi les tracas qu’ils avaient connus.  Les participants devaient enfin exprimer par écrit ce qui faisait qu’ils étaient meilleurs que les autres.

Dans la dernière étude, les participants effectuaient un comptage des bénédictions ou rapportaient sur un carnet la manière dont ils s’étaient sentis au quotidien, et la façon dont ils s’étaient perçus globalement.

Au final, les individus qui ont compté les bénédictions dans les 3 études ont ressententi plus d’affect positif, ont été plus optimistes et plus enclins à aider autrui, à lui apporter un soutien émotionnel. La fréquence du comptage des bénédictions a également eut un impact sur le niveau de bonheur : effectué de manière quotidienne (étude 2 et 3), celui-ci a montré des effets plus puissants que celui effectué une seule fois par semaine (étude 1).

Pourquoi utiliser la gratitude ?

Le comptage des bénédictions repose sur le fait de montrer sa gratitude envers autrui. La gratitude résulte d’un processus cognitif en 2 étapes : reconnaître que l’on a obtenu un résultat positif et reconnaître que c’est une source extérieure qui a mené à ce résultat positif (Weiner, 1985). La reconnaissance peut ainsi être un levier important pour favoriser le bien-être, elle peut constituer une stratégie psychologique par laquelle les individus interprètent de façon positive leurs événements de vie et ainsi les conduire à se sentir plus heureux, davantage optimistes et ouverts aux autres.

Référence : McCullough, M. E., & Emmons, R. A. (2003). Counting blessings versus burdens: An experimental investigation of gratitude and subjective well-being in daily life. Journal of Personality and Social Psychology84(2), 377-389.

Neuromythes : quand notre cerveau nous joue des tours

Neuromythes : quand notre cerveau nous joue des tours

Alan Crokard, neurochirurgien, a utilisé le terme « neuromythe » pour la première fois en 1980. Ce terme désigne une fausse croyance qui concerne le fonctionnement du cerveau. Ces mythes ont été invalidés totalement ou en partie dans les récentes recherches en neurosciences.

1. Les styles d’apprentissage

Un style d’apprentissage renvoie à la notion selon laquelle nos apprentissages seraient facilités par une modalité perceptive plutôt que par une autre, c’est-à-dire que certains préféreraient l’apprentissage visuel tandis que d’autres préféreraient l’apprentissage auditif notamment. Au-delà d’une simple question de préférence, cela sous-entend que chaque cerveau serait optimisé pour traiter de façon plus efficace un certain type d’information (visuel, auditif…). Afin de favoriser un apprentissage optimal, il serait donc conseillé d’adapter la pédagogie en fonction des styles préférentiels de chaque individu.

Des recherches ayant répertorié un ensemble d’études menées sur les styles d’apprentissages ont pu montrer que finalement il y a eu peu d’études empiriques ayant testé le fait qu’adapter l’enseignement aux styles d’apprentissage conduisait à un apprentissage meilleur. Par ailleurs, les résultats du peu d’études qui l’ont fait vont à l’encontre de l’hypothèse selon laquelle un enseignement adapté aux styles d’apprentissage favoriserait l’apprentissage. Il s’avère donc que le style d’apprentissage est bien un neuromythe (Dekker, Lee, Howard-Jones & Jolles, 2012). Et les neurosciences nous apprennent qu’un apprentissage doit faire appel à toutes nos modalités sensorielles.  Cependant, d’autres études ont mis en évidence qu’encore récemment, 96% des enseignants croyaient à ce neuromythe (Howard-Jones, 2014).

2. La dominance hémisphérique : nous sommes soit « cerveau gauche », soit « cerveau droit »

En moyenne, 80% des enseignants adhèrent à ce mythe selon lequel la dominance hémisphérique pourrait expliquer la différence dans les apprentissages. Étant donné que les hémisphères du cerveau seraient spécialisés dans certains types de tâches, ce neuromythe avance l’idée selon laquelle adapter l’enseignement aux compétences des apprenants serait bénéfique. Les résultats d’études récentes semblent contredire ces hypothèses. Il s’avère que la majorité des tâches que nous effectuons requiert la collaboration des deux hémisphères du cerveau, qui sont reliés entre eux par un large réseau de communication.

Ainsi, l’hypothèse selon laquelle nous serions spécialisés dans un seul hémisphère est réfutable. Il est alors évident que des exercices nous permettant d’augmenter notre capacité à utiliser nos deux hémisphères pour résoudre une tâche sont inutiles. En effet, nous utilisons nos deux hémisphères constamment, ces derniers étant largement reliés.

3. Nous utilisons seulement 10% de notre capacité cérébrale

Ce neuromythe découle en partie du fait qu’auparavant les mesures du fonctionnement cérébral étaient très peu sensibles, suggérant ainsi que beaucoup de parties du cerveau restaient inactives. En réalité, nous savons aujourd’hui que lors de l’exécution d’une tâche, il y a une pluralité de régions du cerveau qui sont mobilisées et connectées entre elles pour parvenir à la réalisation de la tâche. Ceci est également vrai lorsque nous ne faisons rien en particulier, de multiples zones sont toujours activées.

4. La production de neurones s’arrête à 18 ans

Selon ce neuromythe, les apprentissages doivent survenir à des âges précis durant l’enfance, sous peine de ne plus pouvoir être appris plus tard, ou à l’âge adulte. Cette croyance n’est cependant pas véridique. La plasticité cérébrale, bien que maximale durant l’enfance, est présente tout au long de notre vie ! Les chauffeurs de taxi à Londres, par exemple,  montrent un hippocampe plus développé que la moyenne, en raison d’une suractivation permanente de cette zone responsable de la navigation spatiale.
Nous continuons à créer des connexions neuronales à tout âge, nous sommes en évolution perpétuelle. Nous pouvons nous développer tout au long de notre vie.

5. Être en double tâche permet d’être plus efficace 

Pourquoi, par rapport à nos premières heures de conduite, est-il aujourd’hui si facile de conduire et de discuter avec un passager en même temps? 

Aujourd’hui, notre cerveau a automatisé le fait de conduire.Automatisersignifie qu’il ne puise plus de ressources attentionnellesconséquentes afin de mener à bien la tâche. C’est pour cette raison que nous pouvons utiliser nos ressources pour faire tout à fait autre chose, comme discuter avec un passager par exemple.

Ce neuromythe n’est donc pas vrai en toute situation. Mener une double tâche n’est efficace que si la première est automatisée. En effet, si la tâche à mener n’est pas automatisée, développer une seconde tâche en parallèle divisera les ressources attentionnelles et réduira in fine la performance.

Focus : Les neurosciences ont-elles leur place dans l’éducation ? Une discipline récente : la neuropédagogie

La neuropédagogie, également appelée neuroéducation, est une discipline récente. Elle se situe au carrefour de plusieurs sciences, notamment les neurosciences cognitives, l’éducation et la psychologie. Son objectif est de mettre au service de l’éducation des bonnes pratiques basées sur les faits scientifiques, qui mettent en évidence la manière dont chaque individu apprend. Les premières recherches allant dans ce sens datent de la fin des années 1970, initiées en outre par Howard Gardner. Il convient néanmoins que tout matériel pédagogique nécessite des validations scientifiques en laboratoire et sur le terrain, et de nombreux allers-retours entre ces deux entités. Aujourd’hui, la neuropédagogie élargit également son intérêt à la formation pour adultes, qui pourrait y trouver de nombreuses utilités.

Références :
Masson, S. (2015). Les apports de la neuroeéducation à l’enseignement: des neuromythes aux deécouvertes actuelles. Approche neuropsychologique des apprentissages chez l’enfant134, 11-22.

Medjad, N., Gil, P., Lacroix, P. (2019). Neurolearning : les neurosciences au service de la formation (4e éd.). Editions Eyrolles.

Soft skills et technologie

Article original publié dans le MagRH


Les soft skills sont à la mode, elles sont le premier critère de recrutement, et dépassent même les compétences métier face à l’obligation de transformation digitale à marche forcée.

Une fois qu’on a dit ça, on n’a rien dit … et oui, les soft skills, et autres compétences managériales sont comportementales et intimement liées aux émotions et à la complexité de l’être humain !

Nous apportons dans cet article des réponses aux questions suivantes :

Quelle est notre capacité à changer de comportement ?
Comment remplacer un comportement existant ?
Quel est l’’intérêt du Learning by doing ?
Comment faire pratiquer ? 
N’est-il pas paradoxal d’associer technologie et Learning by doing ?
Et les apprenants dans tout ça ?

Les soft skills sont des compétences comportementales humaines, liées à nos émotions, à notre connaissance de nous-même. Les neurosciences ont beaucoup évolué ces 3 dernières décennies et nous permettent aujourd’hui de comprendre comment un comportement naît, s’ancre et se modifie. Parallèlement est apparu le courant de la Psychologie Comportementale et l’ère du Numérique. Au regard de ces nouvelles connaissances et sciences, comment la formation professionnelle peut-elle faire évoluer ses pratiques pour gagner en efficacité tout en réduisant ses coûts pour être accessible à un public plus large ?

La singularité des soft skills

En anglais, les soft skills regroupent par opposition aux hard skills toutes les compétences qui ne touchent pas à la technicité des métiers. Elles correspondent en français au savoir-être, aux compétences transverses ou sociales.

Les soft skills sont des comportements sociaux reliés à nos émotions. L’intelligence émotionnelle est le pilier des soft skills. Les travaux de Beck (1)illustrent bien ces liens d’interdépendance entre les pensées, les émotions et les comportements.

Quelle est notre capacité à changer de comportement ?

Prenons l’exemple des résolutions de nouvelle année, souvent basée sur un comportement que l’on souhaite modifier pour notre propre bien, de notre propre initiative. Avec cette motivation maximale, le changement devrait être simple et rapide. 
Pourtant, on le sait tous par expérience, peu d’entre nous parviennent à tenir ces résolutions, précisément 12% selon une étude menée par le professeur Wiseman de l’université de d’Hertfordshire, Angleterre. Une autre étude scientifique (2) a montré que l’adoption d’un nouveau comportement prenait entre 18 et 254 jours.

Le frein biologique au changement

Le cerveau représente 3% de la masse corporelle et pourtant il consomme 15 à 25% de l’énergie entière du corps humain (3). 
Le cortex préfrontal est le plus énergivore, c’est celui qui sert dans les apprentissages, la cognition, l’analyse et la réflexion. Pour maîtriser sa consommation énergétique, notre cerveau “stock” de nombreuses informations et privilégie celles qui lui semblent les plus utiles. Ensuite le cerveau n’a plus qu’à aller piocher dans les réponses stockées existantes de façon automatique, c’est à dire sans passer par le cortex préfrontal ce qui lui économise de l’énergie.
Pour les comportements la difficulté est double : ils sont liés à nos émotions et en tant qu’adulte nous avons déjà des stratégies très ancrées pour chaque type de comportement.

Comment remplacer un comportement existant ? L’intérêt du Learning by doing

Un comportement est comme une connaissance, il est présent physiquement dans le cerveau via un réseau de neurones reliés par des connexions synaptiques. 
Le choix d’un comportement est l’association de notre niveau de contrôle des émotions liées à ce comportement et de la puissance de son ancrage due à la répétition passée de son utilisation.
La maîtrise des émotions et la pratique sont deux étapes essentielles pour ancrer de nouveaux comportements. La pratique signifie que l’individu va devoir consciemment adopter un nouveau comportement, à plusieurs reprises, jusqu’à ce que ce nouveau comportement devienne plus ancré que l’ancien et puisse ainsi être choisi préférentiellement par le cerveau.
Qu’ils soient présentiels (trop court pour ancrer une pratique) ou distanciels (basés sur la connaissance) les modes de formation existants n’ont que peu d’efficacité sur les soft skills.

La méthode appelée 70-20-10 (4) à théorisée l’aspect essentiel de l’apprentissage informel par la pratique. Elle définit qu’un apprentissage s’acquière à 70% par la pratique, 20% par les échanges sociaux et 10% par la connaissance.

Comment faire pratiquer ?

En psychologie, deux courants de recherche sont très avancés sur l’étude et l’influence des comportements.

En premier lieu, le mouvement Behavioriste, basé historiquement sur les travaux de Skinner (5) et Pavlov (6), étudie les mécanismes de changement de comportements. Il est par exemple à l’origine des Thérapies Cognitives et Comportementales ou encore de la pratique du Feedback dans l’OBM, la branche appliquée aux organisations. Les neurosciences ont depuis validé ces recherches en les reliant au système de récompense du cerveau, responsable notamment des addictions.

Deuxièmement la force de l’influence sociale sur nos comportements. Nous adaptons nos comportements et attitudes en fonction de notre environnement. La découverte de neurones miroirs tendrait à confirmer biologiquement ces recherches. D’autre part un autre courant d’influence sociale étudie le rôle des biais cognitifs (7) dans la persuasion (8), il est utilisé avec succès par les publicitaires depuis plusieurs décennies.

L’association paradoxale de la technologie et du Learning by doing ?

La science qui utilise les données de recherches en psychologie comportementale au profit du numérique est appelée Captologie.

C’est en appliquant tous ces mécanismes de récompenses et sociaux que les créateurs de jeux vidéos parviennent à maintenir l’attention des joueurs durant de nombreuses heures et à les faire jouer de façon répétée. Ces mêmes concepts sont aussi utilisés par Facebook ou encore Google.

Non seulement ils “captent” les individus, mais en plus ils changent durablement les comportements. La sur sollicitation du système de récompense habitue les individus et augmente ainsi la norme du système interne, le cerveau cherchant de plus en plus de récompenses. Ce phénomène touche l’ensemble de la population active et plus fortement les plus jeunes générations. En 2019 plus de 80% des moins de 44 ans déclaraient jouer à des jeux vidéos (9).

La formation, et plus particulièrement celle destinée à aider les individus à améliorer leurs qualités humaines a beaucoup à apprendre et à gagner en s’inspirant du Behaviorisme et de la Captologie.

Et les apprenants dans tout ça ?

A l’heure du smartphone, de la profusion des informations, de l’immédiateté des besoins, les collaborateurs n’attendent pas le Service Formation, ils vont chercher eux même ce dont ils ont besoin.  Le défi des organisations est aujourd’hui de faciliter et d’encadrer le Self Learning, de s’assurer que les collaborateurs ont accès facilement et rapidement aux bonnes ressources, et de contextualiser leurs connaissances dans les pratiques de travail afin qu’elles se transforment en compétences.

Notes : 
1.Beck A.T., Cognitive therapy and the emotional disorders, International Universities Press, 1976.
2.Lally, Phillippa & Jaarsveld, Cornelia & Potts, Henry & Wardle, Jane, How are habits formed: Modeling habit formation in the real world, European Journal of Social Psychology, 2010.
3.Bélanger, Mireille & Allaman, Igor & Magistretti, Pierre, Brain Energy Metabolism: Focus on Astrocyte-Neuron Metabolic Cooperation. Cell metabolism. 2011.
4.Lombardo, Michael M; Eichinger, Robert W, The Career Architect Development Planner, Minneapolis: Lominger, 1996.
5.Burrhus F. Skinner, About behaviorism, Vintage, 1976.
6.MUSATTI, C., The Pavlov theory of conditioned reflexes, Minerva medica,1951.
7.Rolf Dobelli, Arrêtez de vous tromper : 52 erreurs de jugement qu’il vaut mieux laisser aux autres… Éditions Eyrolles, 2008.
8.Robert Cialdini, Influence, the Psychology of Persuasion, Harper Business, 2006.
9.https://fr.statista.com/statistiques/481002/proportion-gamers-francais-age-jeux-video