Alan Crokard, neurochirurgien, a utilisé le terme « neuromythe » pour la première fois en 1980. Ce terme désigne une fausse croyance qui concerne le fonctionnement du cerveau. Ces mythes ont été invalidés totalement ou en partie dans les récentes recherches en neurosciences.

1. Les styles d’apprentissage

Un style d’apprentissage renvoie à la notion selon laquelle nos apprentissages seraient facilités par une modalité perceptive plutôt que par une autre, c’est-à-dire que certains préféreraient l’apprentissage visuel tandis que d’autres préféreraient l’apprentissage auditif notamment. Au-delà d’une simple question de préférence, cela sous-entend que chaque cerveau serait optimisé pour traiter de façon plus efficace un certain type d’information (visuel, auditif…). Afin de favoriser un apprentissage optimal, il serait donc conseillé d’adapter la pédagogie en fonction des styles préférentiels de chaque individu.

Des recherches ayant répertorié un ensemble d’études menées sur les styles d’apprentissages ont pu montrer que finalement il y a eu peu d’études empiriques ayant testé le fait qu’adapter l’enseignement aux styles d’apprentissage conduisait à un apprentissage meilleur. Par ailleurs, les résultats du peu d’études qui l’ont fait vont à l’encontre de l’hypothèse selon laquelle un enseignement adapté aux styles d’apprentissage favoriserait l’apprentissage. Il s’avère donc que le style d’apprentissage est bien un neuromythe (Dekker, Lee, Howard-Jones & Jolles, 2012). Et les neurosciences nous apprennent qu’un apprentissage doit faire appel à toutes nos modalités sensorielles.  Cependant, d’autres études ont mis en évidence qu’encore récemment, 96% des enseignants croyaient à ce neuromythe (Howard-Jones, 2014).

2. La dominance hémisphérique : nous sommes soit « cerveau gauche », soit « cerveau droit »

En moyenne, 80% des enseignants adhèrent à ce mythe selon lequel la dominance hémisphérique pourrait expliquer la différence dans les apprentissages. Étant donné que les hémisphères du cerveau seraient spécialisés dans certains types de tâches, ce neuromythe avance l’idée selon laquelle adapter l’enseignement aux compétences des apprenants serait bénéfique. Les résultats d’études récentes semblent contredire ces hypothèses. Il s’avère que la majorité des tâches que nous effectuons requiert la collaboration des deux hémisphères du cerveau, qui sont reliés entre eux par un large réseau de communication.

Ainsi, l’hypothèse selon laquelle nous serions spécialisés dans un seul hémisphère est réfutable. Il est alors évident que des exercices nous permettant d’augmenter notre capacité à utiliser nos deux hémisphères pour résoudre une tâche sont inutiles. En effet, nous utilisons nos deux hémisphères constamment, ces derniers étant largement reliés.

3. Nous utilisons seulement 10% de notre capacité cérébrale

Ce neuromythe découle en partie du fait qu’auparavant les mesures du fonctionnement cérébral étaient très peu sensibles, suggérant ainsi que beaucoup de parties du cerveau restaient inactives. En réalité, nous savons aujourd’hui que lors de l’exécution d’une tâche, il y a une pluralité de régions du cerveau qui sont mobilisées et connectées entre elles pour parvenir à la réalisation de la tâche. Ceci est également vrai lorsque nous ne faisons rien en particulier, de multiples zones sont toujours activées.

4. La production de neurones s’arrête à 18 ans

Selon ce neuromythe, les apprentissages doivent survenir à des âges précis durant l’enfance, sous peine de ne plus pouvoir être appris plus tard, ou à l’âge adulte. Cette croyance n’est cependant pas véridique. La plasticité cérébrale, bien que maximale durant l’enfance, est présente tout au long de notre vie ! Les chauffeurs de taxi à Londres, par exemple,  montrent un hippocampe plus développé que la moyenne, en raison d’une suractivation permanente de cette zone responsable de la navigation spatiale.
Nous continuons à créer des connexions neuronales à tout âge, nous sommes en évolution perpétuelle. Nous pouvons nous développer tout au long de notre vie.

5. Être en double tâche permet d’être plus efficace 

Pourquoi, par rapport à nos premières heures de conduite, est-il aujourd’hui si facile de conduire et de discuter avec un passager en même temps? 

Aujourd’hui, notre cerveau a automatisé le fait de conduire.Automatisersignifie qu’il ne puise plus de ressources attentionnellesconséquentes afin de mener à bien la tâche. C’est pour cette raison que nous pouvons utiliser nos ressources pour faire tout à fait autre chose, comme discuter avec un passager par exemple.

Ce neuromythe n’est donc pas vrai en toute situation. Mener une double tâche n’est efficace que si la première est automatisée. En effet, si la tâche à mener n’est pas automatisée, développer une seconde tâche en parallèle divisera les ressources attentionnelles et réduira in fine la performance.

Focus : Les neurosciences ont-elles leur place dans l’éducation ? Une discipline récente : la neuropédagogie

La neuropédagogie, également appelée neuroéducation, est une discipline récente. Elle se situe au carrefour de plusieurs sciences, notamment les neurosciences cognitives, l’éducation et la psychologie. Son objectif est de mettre au service de l’éducation des bonnes pratiques basées sur les faits scientifiques, qui mettent en évidence la manière dont chaque individu apprend. Les premières recherches allant dans ce sens datent de la fin des années 1970, initiées en outre par Howard Gardner. Il convient néanmoins que tout matériel pédagogique nécessite des validations scientifiques en laboratoire et sur le terrain, et de nombreux allers-retours entre ces deux entités. Aujourd’hui, la neuropédagogie élargit également son intérêt à la formation pour adultes, qui pourrait y trouver de nombreuses utilités.

Références :
Masson, S. (2015). Les apports de la neuroeéducation à l’enseignement: des neuromythes aux deécouvertes actuelles. Approche neuropsychologique des apprentissages chez l’enfant134, 11-22.

Medjad, N., Gil, P., Lacroix, P. (2019). Neurolearning : les neurosciences au service de la formation (4e éd.). Editions Eyrolles.