« Avant le savoir était entre les mains du sachant, aujourd’hui tout est en open source »

Suzel Mouton, directrice de formation, est experte dans la formation des managers et la Gestion de la Relation Client.
Diplômée de l’Université Paris Dauphine, Suzel Mouton a évolué en tant que directrice de formation principalement au sein du groupe Webhelp puis chez Buffalo Grill. Elle occupe actuellement le poste de consultante Senior en Learning Culture. 
Experte en formation, mais aussi en gestion des Talents et développement des compétences, Suzel Mouton partage avec nous les facteurs clés de succès d’une formation.

 

Comment engager une personne dans une formation ? 

Dans un premier temps, la personne doit ressentir le besoin de cette formation. Vous ne pouvez pas bien former quelqu’un qui n’est pas persuadé de son intérêt. 
L’idéal est que le collaborateur soit à l’initiative de sa formation. Lorsque ce n’est pas le cas, il faut prendre le temps de discuter avec lui, de l’informer sur le pourquoi de cette formation qui doit être prise comme une chance et non comme un ordre pour combler un manque d’efficacité. Il est nécessaire qu’il s’approprie ce besoin. Cette démarche peut prendre du temps et nécessite beaucoup de pédagogie. Mais surtout une formation ne commence pas lorsque la personne franchit le pas de la salle mais bien en amont : test de positionnement, interview, vidéos, quiz sont aussi de bons moyens lorsque l’entretien individuel n’est pas possible.

 

Est-ce le seul facteur clé pour insuffler le changement chez une personne ?

Non, aucun formateur n’a de baguette magique. Si l’on veut insuffler le changement, seule une partie dépendra de la formation en elle-même. Mais c’est par l’application, les feedbacks, les actions correctives bienveillantes que le changement s’opère durablement. Il faut 21 fois pour qu’une action passe de « je teste » à « c’est acquis ». Cela prend donc du temps et de l’attention de la part du manager post formation.

Par rapport aux formations, quels sont les enjeux pour établir un ROI ?

L’enjeu principal est de déterminer ce que notre investissement nous rapportera. Pour cela, j’utilise le système de validation Kirkpatrick. Il comporte plusieurs niveaux : la satisfaction de l’apprenant, la validation des acquis, leur mise en application et l’intérêt que l’entreprise retire de la formation. Selon moi, il faut s’arrêter à ce niveau, car seul le dernier échelon correspondant au pur ROI. On y pose la question du rapport bénéfice-prix. Il y a tellement de paramètres, qu’à mon sens, on ne peut dire que seule la formation est responsable du ROI.

Quels sont les changements actuels auxquels vous faites face dans la culture
managériale ?

Nous avons aujourd’hui de nombreuses générations qui travaillent ensemble : des Millennials aux Seniors. Leurs aspirations, leur fonctionnement sont totalement différents, et pourtant tous doivent travailler et réussir ensemble. Il n’est pas toujours facile d’avoir à manager quelqu’un de 15-20 ans plus jeune ou plus âgé que soi.
Sans parler de la mondialisation, ou de la notion d’interculturalité qui ne peut être ignorée.  On ne peut plus manager de façon unique mais bien en s’adaptant à chacun des profils de son équipe et prendre en compte ses aspirations.

Il y a-t-il d’autres difficultés plus liées aux métiers ?

La vision managériale change et l’on doit apprendre les uns des autres, être agile car non seulement nous faisons face à l’allongement du temps de travail mais les métiers se transforment de plus en plus rapidement. Entre la charrette et la voiture il y a eu plus de 20 ans, alors qu’aujourd’hui on passe d’une technologie à une autre en un claquement de doigt. Ne pas savoir utiliser ces technologies, c’est être hors-jeu.  
Ces changements peuvent être très anxiogènes, principalement pour les salariés peu à l’aise avec les nouvelles technologies ou le numérique. Tout cela est à prendre en compte par le manager. Il faut non seulement permettre aux salariés de rester à niveau dans un monde mouvant mais aussi anticiper les besoins futurs.

Ces changements s’appliquent-ils à la formation ?

Aujourd’hui, les gens devront être de plus en plus responsables de leur formation (le CPF va dans ce sens). Des envies et des besoins émergent et les salariés sont conscients que leur carrière n’est plus toute tracée. Ils veulent développer leur employabilité. Avec l’apparition des MOOC gratuits, beaucoup s’auto forment.  
L’enjeu actuel est de proposer une formation en libre accès et de donner plus de responsabilités aux formés. 
Avant le savoir était entre les mains du sachant, aujourd’hui tout est en open source.

Face à un manager qui vous demanderait des conseils sur ses problèmes, que faire ?

D’abord l’écouter et le questionner. Le sujet abordé est souvent différent du réel besoin de formation.  C’est normal, c’est notre métier, pas le leur. 
Il faut toujours aller à la recherche de la cause racine. J’ai tendance à dire « quel est ton besoin, pourquoi, que veux-tu changer, qu’attends-tu comme résultats ? Et la question la plus importante que je tiens de mon « mentor », « Véritablement, la formation serait réussie si … »  et je le laisse compléter. Lorsque j’ai identifié le résultat attendu, je remonte ensuite la chaîne pour définir le type de formations nécessaires et les softskills à travailler. Je pars toujours du résultat attendu et non de la source. 
Enfin, aucune formation n’est efficace si elle n’est pas co-construite step by step avec le commanditaire. Il faut personnaliser puis individualiser au maximum les formations. Chacun a des besoins différents, un fonctionnement différent, des connaissances et des facilités d’apprentissage différentes. Ne pas écouter et personnaliser ses actions de formation est le meilleur moyen de passer à côté de l’objectif.